Joakim Kemell, Un Mike Hoffman 2.0 (Seb Gagné)
Je suis conscient que je ne me ferai pas beaucoup d’amis après la lecture de mon titre. Prenons donc quelques instants pour éplucher les raisons qui me poussent à y aller de cette analogie. Joakim Kemell est l’un des joueurs les plus polarisants de cette cuvée. Certains étant complètement tombés sous son charme alors que d’autres ont plutôt des grosses interrogations quant à son réel potentiel. Vous l’aurez deviné, je me classe personnellement dans la 2e catégorie à son sujet.
Le jeune Finlandais a débuté sa saison en lion dans la Liiga ( la ligue élite de la Finlande ). Jusqu’aux environs du mois de novembre, il trônait au sommet des pointeurs de son équipe, mais également de toute la ligue. Certainement un fait d’armes très impressionnant pour un jeune d’à peine 17 ans dans une ligue professionnelle. Il est par-dessus le marché une machine à faire les manchettes vidéos pour ses prouesses offensives. Assez difficile pour des gens qui n’ont pas eu la chance ou l’intérêt de regarder des matchs en entier de ne pas tomber sous son charme instantanément. Il a par la suite connu une baisse de régime ne marquant pas pendant 17 matchs. Les plus optimistes expliquent cette léthargie par une blessure qu’il a subie. Bien que je crois que celle-ci a brisé son erre d’aller, je crois plutôt que l’adaptation des autres équipes qui ont commencé à serrer la vis contre lui est plus plausible.
À première vue, Joakim Kemell a tout d’un joueur digne du top 3 de n’importe quel repêchage. Dans les faits, la réalité est un peu différente. Je ne veux rien enlever au jeune qui possède un talent certain. On ne connaît bien évidemment pas ce type de succès à son âge sans avoir un minimum de talent pour le faire. Tout d’abord, il possède l’un des meilleurs tirs de tout ce repêchage (selon moi), spécialement lorsqu’il s’élance sur réception. Quand il est dans son bureau et que la passe arrive à destination, le gardien adverse n’a pas beaucoup de chances de s’en sortir, à condition qu’il frappe la cible. Ici survient le premier drapeau rouge. Le jeune a une malheureuse tendance à décocher de n’importe où et n’importe comment sur la surface glacée malgré que, très souvent, ça ne soit pas du tout la meilleure option. Il a la vilaine habitude de ne pas lever sa tête pour analyser ce qui se passe autour de lui. Ceci lui permettrait de repérer un coéquipier libre ou de simplement renvoyer la rondelle dans un espace libre. Il pourrait de cette façon offrir à son équipe une chance conserver la possession si aucune autre option ne s’offre à lui plutôt que de faire mourir le jeu. Une trop grande quantité de ses lancers vont également terminer leur course dans la baie vitrée plutôt que de frapper le filet. Mon opinion est qu’il aurait parfois avantage à sacrifier un peu de puissance dans celui-ci pour mieux contrôler sa dégaine.
Au niveau de son patin , le franc-tireur est au-dessus de la moyenne. Il n’y a pas grand-chose qu’on puisse critiquer dans cette facette de son jeu mis à part qu’il ne semble pas toujours bien gérer son énergie. Ce qui peut être une qualité quant à son implication devient vite une faiblesse lorsqu’on gaspille une énergie précieuse à patiner à fond de train dans des moments inopportuns. J’aime beaucoup sa fougue et sa mobilité, mais il aurait intérêt à apprendre à choisir ses moments pour exploser, ça le rendrait plus efficace. Son agilité est excellente, il est capable de pivoter sur un dix sous pour changer de direction ou se défaire d’un couvreur. Il est également habile à utiliser la vitesse de ses pieds pour changer son angle lorsqu’il se présente en zone adverse pour décocher et s’offrir une meilleure chance.
J’ai entendu à plusieurs reprises que le jeune espoir finlandais était le meilleur marqueur de cette cuvée. Je dois dire que je suis en total désaccord avec cette affirmation et c’est la raison principale pour laquelle il est beaucoup plus loin dans mon classement que dans la majorité des autres. Joakim Kemell est vraiment très efficace avec l’avantage d’un homme, sur ce point il est vrai qu’il est possiblement le meilleur buteur. Son efficacité à 5 contre 5 par contre en est tout autre. J’ai encore du mal à me l’expliquer, mais j’ai un sérieux doute au niveau de l’intelligence hockey de l’attaquant. Pour certaines raisons énumérées plus tôt quant à sa prise de décisions autant avec que sans la rondelle ainsi que pour son positionnement sur la glace. Il ne semble pas toujours en mesure de savoir où il devrait se situer et comment il devrait réagir dans certaines situations. Joakim est efficace pour se faire oublier ou se démarquer, mais il me donne l’impression d’un joueur avec des qualités élites, mais qui n’a pas le cerveau nécessaire pour les faire fonctionner adéquatement. Il est difficile même avec les meilleurs outils au monde de bâtir une maison pour quelqu’un qui n’a aucune compétence manuelle. C’est un peu l’analogie qui explique le mieux mon analyse en ce qui le concerne.
Dans sa zone, Joakim Kemell y met l’effort, mais ça ne fonctionne pas toujours bien. Comme son intelligence hockey est à mon avis sous la moyenne, il ne sait souvent plus où donner de la tête et se retrouve à tourner en rond sans vraiment savoir qui couvrir ou quoi faire. Son implication est par contre toujours au rendez-vous, comme je le mentionne, au moins il essaie. Les sorties de zones se passent quand même bien pour lui, il est habile pour couper dans le centre de la patinoire et venir chercher la passe. De ce côté, c’est souvent son défenseur qui est fautif et tarde à le repérer pour compléter le jeu. La Liiga n’est vraiment pas une bonne ligue de relance et le jeu y est parfois très lent (je reprends ici les mots de mon collègue Simon Servant avec qui je suis en accord à 100% sur ce point).
Joakim Kemell bénéficie également beaucoup de la superficie des glaces européennes. Il est le type de joueur qui profite de la seconde supplémentaire pour réaliser son jeu ou pour décocher son tir. Dans un calibre plus rapide où cet espace se refermera devant lui à la vitesse de l’éclair, je ne le vois pas réussir à s’en sortir. Sa force physique pose aussi problème. Joakim n’est pas encore assez solide pour résister aux contacts le long des rampes et y ressortir avec le disque. Bien sûr cet aspect va s’améliorer avec la maturité et l’entraînement en gymnase, mais il n’en demeure pas moins qu’on ne fera jamais un Doberman avec un Chihuahua. Son 5 pieds 10 et 176 lbs atteindra sa limite plus tôt que tard.
En résumé, Kemell ne sera clairement jamais mon préféré cette année. Quand on évalue des joueurs comme on le fait, nous allons avoir des coups de coeur ainsi que des joueurs sur qui on accroche moins. Le Finlandais est tombé dans la 2e chaise pour moi. Je n’ai pas la prétention d’avoir toutes les réponses ou d’en connaître davantage que quiconque lorsque j’évalue un espoir, car chacun voit les choses à sa façon, c’est ce qui fait la beauté de la chose. Le jeune n’aura pas su me tomber dans l’oeil au moment où on se parle, mais je serais honnêtement très heureux de me tromper sur son cas. Si tel est le cas et que l’attaquant performe comme certains le prédisent d’ici quelques années, je ferai avec plaisir mon mea culpa à son sujet. En fin de compte, plus de jeunes ont du succès et plus on est content. Pour son rang de sélection, je le vois se trouver une équipe dans les 10 premiers. Malgré que je ne souhaiterais pas voir les Canadiens le sélectionner, je crois qu’à partir du 15e échelon il devient un pari intéressant à prendre pour une équipe en quête de plus d’offensive.
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